29 Mai
Terre, Terre... Terre en vue !!!

Position : N 77.64440 W 068.53475 , alt. 200 m.
Distance parcourue ce jour : 69 km
Distance totale parcourue : 2214 km
Durée de l'étape : 17 H (4 sous kite)

Au lever, ce « matin » (il est en fait 16 H), il y a du nouveau ! Il fait grand beau et nous distinguons très nettement les montagnes qui bordent le fond de la baie Inglefield. Cette vision, bien qu'encore imprécise, met fin à vingt-cinq jours d'immensité blanche et absolument désertique ! Une saine excitation nous envahit...
Poussés par un léger vent arrière, nous optons pour une sortie de calotte différente de nos prédécesseurs. Tout en respectant la même logique et les mêmes obligations qu'eux : éviter de s'embarquer sur les grands glaciers crevassés du secteur et quitter la calotte en une des diverses et dociles avancées qu'elle dessine tout au long de sa frange.

Veillant à ne pas trop perdre d'altitude, nous progressons sur un large épaulement qui domine de puissants glaciers émissaires qui s'écoulent en direction du fjord Inglefield.
Enfin, parvenus au bout de l'épaulement, nous basculons rapidement sur le versant du fjord Bowdoin : ici, l'inlandsis vient sagement mourir sur quelques collines. En sortir ne présente donc aucune difficulté.

Il est 23 H lorsque nous quittons définitivement les glaces de la calotte. Huit cents mètres en contrebas, notre objectif, notre Saint Graal : la banquise !

Juchés sur une moraine, nous tentons de repérer le passage idéal... L'itinéraire « le moins pire » serait une formule plus appropriée sur ce terrain en grande partie découvert de neige... Débute alors un long cheminement : treize heures nous seront nécessaires pour couvrir les huit kilomètres qui nous séparent de la côte. En force, tractant tels des boeufs nos quatre-vingts kilos de matos sur la caillasse, nous nous hissons tant bien que mal jusque sur un collu pierreux. Au-delà, un vallon sans neige plonge vers le fond du fjord... Nous n'avons pas de meilleure solution ! Débute alors une descente éreintante dans un petit canyon : nous halons nos pulkas entre les gros blocs du torrent, les « moulinons » une à une dans une pente raide, les portons à flanc de versants...

A quelque deux cents mètres d'altitude, sur un petit replat qui domine les glaces du fjord Bowdoin, et face au très esthétique front du glacier homonyme, nous nous écroulons sans demander notre reste ! Nuit à la belle étoile... sous un soleil « de plomb » !