28 Mai
The Perfect Ride !

Position : N 77.90078 W 065.89398 , alt. 1320 m.
Distance parcourue ce jour : 140 km
Distance totale parcourue : 2145 km
Durée de l'étape : 10 H


Nos plus belles heures de kite sont à venir... Jusque là, nous nous demandions fréquemment comment il était possible de kiter plus de quatre cents kilomètres en moins de vingt-quatre heures. C'est ce qu'avaient fait des Norvégiens et des Canadiens, les années précédentes. Et c'est ici, à quelques centaines de kilomètres du but, qu'ils avaient réalisé l'impensable.
Qu'y avait-il de magique en ces lieux pour autoriser pareil finish ? Aujourd'hui, nous avons la réponse : une surface parfaitement plane et, surtout, un catabatique puissant. Quoiqu'à bien regarder les volutes grises qui s'étirent aujourd'hui au-dessus de la calotte, il y a bien une composante météo dans le vent de SSE qui nous propulse vigoureusement.

Mais peu importe l'origine du vent ! Il est bien là et c'est l'extase, le pied total, le nirvana du rider ! Ma voile totalement bordée, je dois la trimer à fond pour parvenir à tenir le cap. En suspension dans le baudrier, bras, tronc et jambes se contractent et font bloc pour maintenir la barre et appuyer de tout le poids du corps sur les carres des skis... 50, 55, 57 km/h... L'attention est maximale car il n'est pas question de se prendre un râteau à cette vitesse-là...

Chasse-neige, ciel déchiré, volutes éthérées... Des nuages sombres barrent l'horizon vers lequel nous fonçons à une vitesse jamais atteinte jusqu'ici... L'ambiance est tout simplement incroyable, le moment, inoubliable... On se prend à rêver de boucler la traversée en une poignée d'heures grisantes... Le run final ! La clé d'une très grosse étape est entre nos mains...?

Malheureusement, c'était trop parfait pour durer... Au front de la perturbation, le ciel s'est obscurci, le vent a molli. Il se met même à neiger. De plus en plus fort... Bizarrement, dans ces conditions, les voiles s'alourdissent et ne tractent plus vraiment. Il faut se résigner et attendre un changement météo, tout au moins une accalmie. Nous montons la tente pour une paire d'heures...

Une sieste plus tard, vingt centimètres de poudreuse recouvrent le sol. Le vent, encore un peu faible mais déjà renaissant, est suffisant pour nous soulever lorsque nous faisons passer nos Yakuzas à la verticale de nos têtes. Nous comprenons bientôt* qu'il faut à tout prix la faire évoluer relativement bas dans sa fenêtre de vol et éviter les embardées trop prononcées si l'on ne veut pas grimper au ciel ! Et alors que le vent arrière n'offre aucune allure confortable, nous parvenons finalement à grignoter les kilomètres. Un par un, dix par dix... Si bien que nous ne sommes plus qu'à soixante-dix kilomètres de la côte quand nous décidons de boucler cette vingt-huitième étape.







* La Yakuza est la plus technique de nos voiles : un mois après notre départ, nous n'avons toujours pas le sentiment de maîtriser l'engin. Nous découvrons et comprenons encore des choses la concernant....